Les promoteurs immobiliers, ces infatigables effaceurs magiques

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Une mini montée de lait sans gras (ça faisait longtemps…)

Votre petite ville ou village a un charme, une ambiance, une histoire, un esprit, une âme? Qu’à cela ne tienne, quand les promoteurs immobiliers débarquent à l’Hôtel de Ville, c’est le début de la fin. Ces «effaceurs magiques», comme l’éponge du même nom, ont le chic pour retirer les saletés patrimoniales, les éclaboussures de l’histoire et plomber le cachet unique de votre milieu de vie, l’aseptiser, le rendre plus blanc que blanc. Pire encore : le montréaliser!

Et ce qui est magique avec ces éponges à profit, c’est la facilité avec laquelle elles effacent les zonages, redessinent les plans d’urbanisme, contournent les règles et embobinent la population et l’appareil municipal à leur profit. 

Souvenons-nous des déboires des condos Delacroix, du projet pharaonique de la Rolland et des improvisations burlesques de la revitalisation du parc Claude-Henri-Grignon. Ces cas représentatifs contiennent tous les ingrédients actifs des éponges magiques : on fait rêver la population, on promet des retombées qui n’ont rien à envier à la manne biblique, on travaille à fond les élus les plus benêts, les chambres de commerce, puis on commence le nettoyage pour faire place au «progrès», mot qui fait saliver. 

Vous croyez que j’exagère? Les condos Delacroix ont mis à jour une histoire de corruption impliquant le promoteur immobilier (Attitude Nord) et le directeur général de l’époque qui à conduit à des démissions en rafale des conseillers, du maire et à précipité la Ville dans un processus d’élection. La Rolland et le promoteur Maalouf avec la complicité d’un conseiller inapte et ses homologues ont effacé un patrimoine industriel plein de potentiel envié par d’autres villes. Pourtant, les élus et la population avaient été mis au fait preuves à l’appui du pedigree peu reluisant de ce promoteur. C’était un projet «foupoudav» (foutu, pourrie d’avance). Aujourd’hui, le site est interdit au public par des affichettes mentionnant «terrain privé».  

Le mantra du développement scandé machinalement par les membres d’un petit groupe et leurs adeptes devient agaçant. D’autant plus que ces fidèles n’ont aucune idée du sens profond du mot «développement» d’une communauté qui le plus souvent se caractérise par la construction de condos de prestige. Le développement signifie aussi « aggravation d’un état, d’un phénomène». Tout ce qui est proposé et nouveau n’est pas forcément valable, pertinent et visionnaire. 

Depuis mon arrivée à Sainte-Adèle, en 1998, j’assiste à une lente et inexorable dégradation de son charme dû, entre autres, à des projets immobiliers mal ficelés, des furoncles architecturaux sans études d’impacts sur les milieux de vie, sur l’environnement, l’esprit de notre ville et ses paysages. Normal, puisque ce sont les promoteurs qui dessinent les plans et qui dans les faits encadrent ce «développement». 

Parfois, je me désole devant l’absence de résistance citoyenne. Nous vivons à une époque d’adhésion, d’approbation et d’assentiment. Tout se vaut, tout est égal et accepté sur le seul critère de la nouveauté, du progrès, de l’image et de l’ouverture. Il n’y plus de débat, seulement des pour ou contre, des gagnants et des perdants, des gens qui ont raison et d’autres qui ont tort. Les réseaux sociaux sont le théâtre d’invectives, d’insultes, de raccourcis intellectuels, de mauvaise foi, de propagande. 

La littéracie municipale (l’ensemble des compétences nécessaires à un individu lui permettant de comprendre, d’interagir et d’évoluer de façon constructive au sein de sa communauté ) est en chute libre. Je souhaite pour Sainte-Adèle et les autres villes, où cette réalité pèse lourdement sur la qualité de leur avenir, de vivre au diapason d’une époque de bouleversements où l’on doit impérativement revoir le concept du développement improvisé et s’orienter sur les enjeux actuels afin de préserver une certaine qualité de vie, la qualité des paysages et une nature en bonne santé. 

Crédit photo : projet immobilier ancien théâtre de Sainte-Adèle